Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 2.djvu/499

Cette page a été validée par deux contributeurs.
489
ÉCLAIRCISSEMENTS

l’image du Sauveur ; elle tressaille et recule de surprise, et douze oiseaux qui s’envolent de son sein portent à Dieu l’effusion de la joie maternelle.

A la Pentecôte, des pigeons blancs étaient lâchés dans l’église parmi des langues de feu ; les fleurs pleuvaient, les galeries intérieures étaient illuminées[1]. A d’autres fêtes, l’illumination était au dehors[2]. Qu’on se représente l’effet des lumières sur ces prodigieux monuments, lorsque le clergé, circulant par les rampes aériennes, animait de ses processions fantastiques les masses ténébreuses, passant et repassant le long des balustrades, sous ces ponts dentelés, avec les riches costumes, les cierges et les chants ; lorsque la lumière et la voix tournaient de cercle en cercle, et qu’en bas, dans l’ombre, répondait l’océan du peuple. C’était là pour ce temps le vrai drame, le vrai mystère, la représentation du voyage de l’humanité à travers les trois mondes, cette intuition sublime que Dante reçut de la réalité passagère pour la fixer et l’éterniser dans la Divina Commedia.

Ce colossal théâtre du drame sacré est rentré, après sa longue fête du moyen âge, dans le silence et dans l’ombre. La faible voix qu’on y entend, celle du prêtre, est impuissante à remplir des voûtes dont l’ampleur était faite pour embrasser et contenir le tonnerre de la voix du peuple. Elle est veuve, elle est vide, l’église. Son profond symbolisme, qui parlait alors si haut, il est devenu muet. C’est maintenant un objet de curiosité scientifique, d’explications philosophiques, d’interprétations alexandrines. L’église est un musée gothique que visitent les habiles : ils tournent autour, regardent irrévérencieusement, et louent au lieu de prier. Encore savent-ils bien ce qu’ils louent ? Ce qui trouve grâce devant eux, ce qui leur plaît dans l’église, ce n’est

  1. A la Sainte-Chapelle on voyait descendre de la voûte la figure d’un ange tenant un biberon d’argent, avec lequel il envoyait de l’eau sur les mains du célébrant. — A Reims, le jour de la Dédicace, on plaçait un cierge allumé entre chaque arcade.
  2. « Sur la galerie de la Vierge, à Notre-Dame de Paris, était une Vierge et deux anges portant des chandeliers ; après Laudes de la Sexagésime, le chevecier y mettait deux cierges. » (Gilbert.) — Dans certaines églises, le prêtre représentait au portail l’Ascension de Notre-Seigneur. — Quelquefois même le clergé devait être obligé d’accomplir la cérémonie dans les parties les plus élevées de l’église ; par exemple, lorsqu’on scellait des reliques sous la flèche, comme on l’avait fait à celle de Notre-Dame de Paris.