Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 2.djvu/483

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ÉCLAIRCISSEMENTS


LUTTE DES MENDIANTS ET DE L’UNIVERSITÉ. —

SAINT THOMAS. — DOUTES DE SAINT LOUIS. — LA PASSION, COMME

PRINCIPE D’ART AU MOYEN AGE.


L’éternel combat de la grâce et de la loi fut encore combattu au temps de saint Louis, entre l’Université et les Ordres Mendiants. Voici l’histoire de l’Université : au douzième siècle, elle se détache de son berceau, de l’école du parvis Notre-Dame, elle lutte contre l’évêque de Paris ; au treizième, elle guerroie contre les Mendiants agents du pape ; au quatorzième contre le pape lui-même. Ce corps formait une rude et forte démagogie, où quinze ou vingt mille jeunes gens de toute nation se formaient aux exercices dialectiques, cité sauvage dans la cité qu’ils troublaient de leurs violences et scandalisaient de leurs mœurs[1]. C’était là toutefois depuis quelque temps la grande gymnastique intellectuelle du monde. Dans le treizième siècle seulement, il en sortit sept papes[2] et une foule de cardinaux et d’évêques. Les plus illustres étrangers, l’Espagnol Raymond Lulle et l’Italien Dante, venaient à trente et quarante ans s’asseoir au pied de la chaire de Duns Scot. Ils tenaient à honneur d’avoir disputé à

  1. Jacques de Vitri : « Meretrices publicæ ubique cleros transeuntes quasi per violentiam pertrahebant. In una autem et eadem domo scholæ erant superius, prostibula inferius. »
  2. L’antipape Anaclet, Innocent II, Célestin II (disciple d’Abailard), Adrien IV, Alexandre III, Urbain III et Innocent III.