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HISTOIRE DE FRANCE

prions que tu nous doignes fontaine de lermes, li sainz rois disoit dévotement : O sire Diex, je n’ose requerre fontaine de lermes ; ainçois me soufisissent petites goutes de lermes à arouser la secherèce de mon cuer… Et aucune foiz reconnut-il à son confesseur privéement, que aucune foiz li donna à notre sires lermes en oroison : lesqueles, quant il les sentoit courre par sa face souef (doucement), et entrer dans sa bouche, eles li sembloient si savoureuses et très douces, non pas seulement au cuer, mès à la bouche[1]. »

Ces pieuses larmes, ces mystiques extases, ces mystères de l’amour divin, tout cela est dans la merveilleuse petite église de saint Louis, dans la Sainte-Chapelle. Église toute mystique, toute arabe d’architecture, qu’il fit bâtir au retour de la croisade par Eudes de Montreuil, qu’il y avait mené avec lui. Un monde de religion et de poésie, tout un Orient chrétien est en ces vitraux, dans cette fragile et précieuse peinture. Mais la Sainte-Chapelle n’était pas encore assez retirée, et pas même Vincennes, dans ses bois alors si profonds. Il lui fallait la Thébaïde de Fontainebleau, ses déserts de grès et de silex ; cette dure et pénitente nature, ces rocs retentissants, pleins d’apparitions et de légendes. Il y bâtit un ermitage dont les murs ont servi de base à ce bizarre labyrinthe, à ce sombre palais de volupté, de crime et de caprice, où triomphe encore la fantaisie italienne des Valois.

Saint Louis avait élevé la Sainte-Chapelle pour rece-

  1. Le Confesseur.