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HISTOIRE DE FRANCE

sait, c’était de rouvrir au commerce de l’Inde la route de la Perse, de sorte que les marchandises ne passassent plus par Alexandrie et Damiette[1]. Ainsi s’annonce de loin l’esprit moderne ; le commerce, et non la religion, va devenir le mobile des expéditions lointaines.

Que l’âge chrétien du monde ait eu sa dernière expression en un roi de France, ce fut une grande chose pour la monarchie et la dynastie. C’est là ce qui rendit les successeurs de saint Louis si hardis contre le clergé. La royauté avait acquis, aux yeux des peuples, l’autorité religieuse et l’idée de la sainteté. Le vrai roi, juste et pieux, équitable juge du peuple, s’était rencontré. Quelle put être sur les consciencieuses déterminations de cette âme pure et candide, l’influence des légistes, des modestes et rusés conseillers qui, plus tard, se firent si bien connaître ? c’est ce que personne ne pouvait apprécier encore.

L’intérêt de la royauté n’étant alors que celui de l’ordre, le pieux roi se voyait sans cesse conduit à lui sacrifier les droits féodaux, que par conscience et désintéressement il eût voulu respecter. Tout ce que ses habiles conseillers lui dictaient pour l’agrandissement du pouvoir royal, il le prononçait pour le bien de la justice. Les subtiles pensées des légistes étaient acceptées, promulguées par la simplicité d’un saint. Leurs décisions, en passant par une bouche si pure, prenaient l’autorité d’un jugement de Dieu.

« Maintes foiz avint que en esté, il aloit seoir au

  1. Voy. t. III, App. 144 et 145.