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LOUIS IX

l’Orient. On crut avoir assez fait, on négligea la terre sainte, et quand elle fut perdue, c’est à Dieu qu’on s’en prit de sa perte : « Dieu a donc juré, dit un troubadour, de ne laisser vivre aucun chrétien, et de faire une mosquée de Sainte-Marie de Jérusalem ? Et puisque son Fils, qui devrait s’y opposer, le trouve bon, il y aurait de la folie à s’y opposer. Dieu dort, tandis que Mahomet fait éclater son pouvoir. Je voudrais qu’il ne fût plus question de croisade contre les Sarrasins, puisque Dieu les protège contre les chrétiens[1]. »

Cependant la Syrie nageait dans le sang. Après les Mongols, et contre eux, arrivèrent les mameluks d’Égypte ; cette féroce milice, recrutée d’esclaves et nourrie de meurtres, enleva aux chrétiens les dernières places qu’ils eussent alors en Syrie ; Césarée, Arzuf, Saphet, Japha, Belfort, enfin la grande Antioche tombèrent successivement. Il y eut je ne sais combien d’hommes égorgés pour n’avoir pas voulu renier leur foi ; plusieurs furent écorchés vifs. Dans la seule Antioche, dix-sept mille furent passés au fil de l’épée, cent mille vendus en esclavage.

À ces terribles nouvelles il y eut en Europe tristesse et douleur, mais aucun élan. Saint Louis seul reçut la plaie dans son cœur. Il ne dit rien, mais il écrivit au pape qu’il allait prendre la croix. Clément IV, qui était un habile homme et plus légiste que prêtre, essaya de l’en détourner ; il semblait qu’il

  1. Le Chevalier du Temple, ap. Raynouard, Choix des poésies des Troubadours.