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LOUIS IX

serviteur de sa maison lui amena un bateau sur l’Elbe, au pied de la roche qui dominait le château. Elle devait descendre par une corde, au péril de sa vie. Ce n’était pas le péril qui l’arrêtait ; mais elle laissait un petit enfant. Au moment de partir, elle voulut le voir encore et l’embrasser, endormi dans son berceau. Ce fut là un déchirement !… Dans le transport de la douleur maternelle, elle ne l’embrassa pas, elle le mordit. Cet enfant vécut ; il est connu dans l’histoire sous le nom de Frédéric-le-Mordu ; ce fut le plus implacable ennemi de son père.

Jusqu’à quel point saint Louis eut-il part à cette barbare conquête de Charles d’Anjou, il est difficile de le déterminer. C’est à lui que le pape s’était adressé pour avoir vengeance de la maison de Souabe, « comme à son défenseur, comme à son bras droit[1] ». Nul doute qu’il n’ait du moins autorisé l’entreprise de son frère. Le dernier et le plus sincère représentant du moyen âge devait en épouser aveuglément la violence religieuse. Cette guerre de Sicile était encore une croisade. Faire la guerre aux Hohenstaufen, alliés des Arabes, c’était encore combattre les infidèles ; c’était une œuvre pieuse d’enlever à la maison de Souabe cette Italie du Midi qu’elle livrait aux Arabes de Sicile, de fermer l’Europe à l’Afrique, la chrétienté au mahométisme. Ajoutez que le principe du moyen âge, déjà attaqué de tout côté, devenait plus âpre et plus violent dans les âmes qui lui restaient fidèles. Personne ne

  1. Nangis.