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HISTOIRE DE FRANCE

taires de sa famille qu’Henri IV remit le drapeau de l’Empire ; on sait comment Godefroi reconnut cette confiance admirable. Le jeune Corradino eut son Pylade dans le jeune Frédéric d’Autriche, enfants héroïques que le vainqueur ne sépara pas dans la mort. La patrie elle-même, que les Gibelins d’Italie troublèrent tant de fois, elle leur était chère, alors même qu’ils l’immolaient. Dante a placé dans l’enfer le chef des Gibelins de Florence, Farinata degli Uberti. Mais, de la façon dont il en parle, il n’est point de noble cœur qui ne voudrait place à côté d’un tel homme sur la couche de feu. « Hélas ! dit l’ombre héroïque, je n’étais pas seul à la bataille où nous vainquîmes Florence, mais au conseil où les vainqueurs proposaient de la détruire, je parlai seul, et la sauvai. »

Un tout autre esprit semble avoir dominé chez les Guelfes. Ceux-ci, vrais Italiens, amis de l’Église tant qu’elle le fut de la liberté, sombres niveleurs, voués au raisonnement sévère et prêts à immoler le genre humain à une idée. Pour juger ce parti, il faut l’observer, soit dans l’éternelle tempête qui fut la vie de Gênes, soit dans l’épuration successive par où Florence descendit, comme dans les cercles d’un autre enfer de Dante, des Gibelins aux Guelfes, des Guelfes blancs aux Guelfes noirs, puis de ceux-ci sous la terreur de la Société guelfe. Là, elle demanda, comme remède, le mal même qui lui avait fait horreur dans les Gibelins, la tyrannie ; tyrannie violente, et puis tyrannie douce, quand le sentiment s’émoussa.