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LOUIS IX

aînées étaient reines[1], et faisaient asseoir Béatrix sur un escabeau à leurs pieds. Celle-ci irritait encore l’âme violente et avide de son mari ; il lui fallait aussi un trône à elle, et n’importe à quel prix. La Provence, comme l’héritière de Provence, devait souhaiter une consolation pour l’hymen odieux qui la soumettait aux Français ; si les vaisseaux de Marseille assujettie portaient le pavillon de France, il fallait qu’au moins ce pavillon triomphât sur les mers, et humiliât ceux des Italiens.

Je ne puis raconter la ruine de cette grande et malheureuse maison de Souabe, sans revenir sur ses destinées, qui ne sont autres que la lutte du sacerdoce et de l’empire. Qu’on m’excuse de cette digression. Cette famille périt ; c’est la dernière fois que nous devons en parler.

La maison de Franconie et de Souabe, d’Henri IV à Frédéric-Barberousse, de celui-ci à Frédéric II, et jusqu’à Corradino en qui elle devait s’éteindre, présenta, au milieu d’une foule d’actes violents et tyranniques, un caractère qui ne permet pas de rester indifférent à son sort : ce caractère est l’héroïsme des affections privées. C’était le trait commun de tout le parti gibelin : le dévouement de l’homme à l’homme. Jamais, dans leurs plus grands malheurs, ils ne manquèrent d’amis prêts à combattre et mourir volontiers pour eux. Et ils le méritaient par leur magnanimité. C’est à Godefroi de Bouillon, au fils des ennemis hérédi-

  1. Femmes des rois de France et d’Angleterre, et de l’empereur Richard de Cornouailles.