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HISTOIRE DE FRANCE

bouche jusqu’à ce j’aie été marqué de nouveau de son signe. — C’est le doigt de Dieu, s’écrièrent tous les assistants ; ne nous opposons plus à sa volonté. » Et personne, dès ce jour, ne contredit son projet.

Le seul obstacle qui restât à vaincre, chose triste et contre nature, c’était le pape. Innocent IV remplissait l’Europe de sa haine contre Frédéric II. Chassé de l’Italie, il assembla contre lui un grand concile à Lyon[1]. Cette ville impériale tenait pourtant à la France, sur le territoire de laquelle elle avait son faubourg au delà du Rhône. Saint Louis, qui s’était inutilement porté pour médiateur, ne consentit pas sans répugnance à recevoir le pape. Il fallut que tous les moines de Cîteaux vinssent se jeter aux pieds du roi, et il laissa attendre le pape quinze jours pour savoir sa détermination. Innocent, dans sa violence, contrariait de tout son pouvoir la croisade d’Orient ; il eût voulu tourner les armes du roi de France contre l’empereur ou contre le roi d’Angleterre, qui était sorti un moment de sa servilité à l’égard du saint-siège. Déjà, en 1239, il avait offert la couronne impériale à saint Louis pour son frère, Robert d’Artois ; en 1245, il lui offrit la couronne d’Angleterre. Étrange spectacle, un pape n’oubliant rien pour entraver la délivrance de Jérusalem, offrant tout à un croisé pour lui faire violer son vœu[2].

  1. Math. Paris. — « Écrasons d’abord le dragon, disait-il, et nous écraserons bientôt ces vipères de roitelets. »
  2. « Les barons anglais n’osaient passer à la terre sainte, craignant les pièges de la cour de Rome (muscipulas Romanæ curiæ formidantes). » (Math. Paris.)