Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 2.djvu/428

Cette page a été validée par deux contributeurs.
418
HISTOIRE DE FRANCE

dont on parlait tant : De Tribus impostoribus, Moïse, Mahomet et Jésus, qui n’a jamais été écrit. Beaucoup de gens soupçonnaient que Frédéric pouvait fort bien être l’Antéchrist.

Le pape n’inspirait guère plus de confiance que l’empereur. La foi manquait à l’un, mais à l’autre la charité. Quelque désir, quelque besoin qu’on eût de révérer encore le successeur des apôtres, il était difficile de le reconnaître sous cette cuirasse d’acier qu’il avait revêtue depuis la croisade des Albigeois. Il semblait que la soif du meurtre fût devenue le génie même du prêtre. Ces hommes de paix ne demandaient que mort et ruine, des paroles effroyables sortaient de leur bouche. Ils s’adressaient à tous les peuples, à tous les princes, ils prenaient tour à tour le ton de la menace et de la plainte : ils demandaient, grondaient, priaient, pleuraient. Que voulaient-ils avec tant d’ardeur ? la délivrance de Jérusalem ? Aucunement. L’amélioration des Chrétiens, la conversion des Gentils ? Rien de tout cela. Eh ! quoi donc ? Du sang. Une soif horrible de sang semblait avoir embrasé le leur, depuis qu’une fois ils avaient goûté de celui des Albigeois.

La destinée de ce jeune et innocent Louis IX fut d’être l’héritier des Albigeois et de tant d’autres ennemis de l’Église. C’était pour lui que Jean, condamné sans être entendu, avait perdu la Normandie, et son fils Henri le Poitou ; c’était pour lui que Montfort avait égorgé vingt mille hommes dans Béziers, et Folquet, dix mille dans Toulouse. Ceux qui avaient péri étaient, il est vrai, des hérétiques, des mécréants, des ennemis