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HISTOIRE DE FRANCE

dans l’obscur ; mais par-dessus s’élève la forme fantastique des Pyrénées aux têtes d’argent. Le bœuf attelé par les cornes laboure la fertile vallée, la vigne monte à l’orme. Si vous appuyez à gauche vers les montagnes, vous trouvez déjà la chèvre suspendue au coteau aride, et le mulet, sous sa charge d’huile, suit à mi-côte le petit sentier. À midi, un orage, et la terre est un lac ; en une heure, le soleil a tout bu d’un trait. Vous arrivez le soir dans quelque grande et triste ville, si vous voulez, à Toulouse. À cet accent sonore, vous vous croiriez en Italie ; pour vous détromper, il suffit de regarder ces maisons de bois et de brique ; la parole brusque, l’allure hardie et vive vous rappelleront aussi que vous êtes en France. Les gens aisés du moins sont Français ; le petit peuple est tout autre chose, peut-être Espagnol ou Maure. C’est ici cette vieille Toulouse, si grande sous ses comtes ; sous nos rois, son Parlement lui a donné encore la royauté, la tyrannie du Midi. Ces légistes violents qui portèrent à Boniface VIII le soufflet de Philippe-le-Bel, s’en justifièrent souvent aux dépens des hérétiques ; ils en brûlèrent quatre cents en moins d’un siècle. Plus tard, ils se prêtèrent aux vengeances de Richelieu, jugèrent Montmorency et le décapitèrent dans leur belle salle marquée de rouge[1]. Ils se glorifiaient d’avoir le capitole de Rome, et la cave aux morts[2] de Naples, où les cadavres se conservaient si bien. Au capitole de Toulouse, les archives de la ville étaient gardées dans une armoire de fer,

  1. Elle l’était encore au dernier siècle. (Piganiol de la Force.)
  2. On y conservait des morts de cinq cents ans.