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LOUIS IX

théologie dans l’enceinte même du palais pontifical[1]. Pendant que les franciscains couraient le monde dans le dévergondage de l’inspiration, tombant, se relevant de l’obéissance à la liberté, de l’hérésie à l’orthodoxie ; embrassant le monde et l’agitant des transports de l’amour mystique, le sombre esprit de saint Dominique s’enferma au sacré palais de Latran, aux voûtes granitiques de l’Escurial[2].

L’ordre de saint François fut moins embarrassé ; il se lança tête baissée dans l’amour de Dieu[3] ; il s’écria, comme plus tard Luther : « Périsse la loi, vive la grâce ! » Le fondateur de cet ordre vagabond fut un marchand ou colporteur d’Assise. On appelait cet Italien François, parce qu’en effet il ne parlait guère que français. « C’était, dit son biographe, dans sa première jeunesse, un homme de vanité, un bouffon, un farceur, un chanteur ; léger, prodigue, hardi… Tête ronde, front petit, yeux noirs et sans malice, sourcils droits, nez droit et fin, oreilles petites et comme dressées, langue aiguë et ardente, voix véhémente et douce ; dents serrées, blanches, égales ; lèvres minces, barbe rare, col grêle, bras courts, doigts longs, ongles

  1. Honorius III approuva la règle de saint Dominique, en 1216, et créa en sa faveur l’office de Maître du Sacré Palais.
  2. Fondé par Philippe II.
  3. Cet énervant mysticisme ne fit pas le salut de l’Église. Le franciscain Eudes Rigaud, devenu archevêque de Rouen (1248-1269), enregistre chaque soir dans son journal les témoignages les plus accablants contre l’épouvantable corruption des couvents et des églises de son diocèse. Ce journal a été publié en 1845. D’autre part la publication du cartulaire de Saint-Bertin jette le plus triste jour sur la vie des moines aux onzième et douzième siècles (1860). Voy. Renaissance, Introduction.