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GUERRE DES ALBIGEOIS

d’attaquer le roi d’Angleterre, vassal de l’Église. Le jeune Louis, fils de Philippe, feignant d’agir contre le gré de son père[1], n’en passa pas moins en Angleterre à la tête d’une armée. Tous les comtés de la Kentie, l’archevêque lui-même et la ville de Londres se déclarèrent pour les Français. Jean se trouva encore une fois abandonné, seul, exilé dans son propre royaume. Il fallut qu’il cherchât sa vie chaque jour dans le pillage, comme un chef de routiers. Le matin il brûlait la maison où il avait passé la nuit. Il passa quelques mois dans l’île de Wight et y subsista de pirateries. Il portait cependant avec lui un trésor avec lequel il comptait acheter encore des soldats. Cet argent périt au passage d’un fleuve. Alors il perdit tout espoir, prit la fièvre et mourut. C’était ce qui pouvait arriver de pis aux Français. Le fils de Jean, Henri III, était innocent des crimes de son père. Louis vit bientôt tous les Anglais ralliés contre lui, et se tint heureux de repasser en France, en renonçant à la couronne d’Angleterre[2].

Innocent III était mort deux mois avant le roi Jean (1216, 16 juillet, 19 octobre), aussi grand, aussi triomphant que l’ennemi de l’Église était abaissé. Et pour-

  1. On assembla à Melun la cour des pairs. Louis dit à Philippe : « Monseigneur, je suis votre homme lige pour les fiefs que vous m’avez donnés en deçà de la mer ; mais quant au royaume d’Angleterre, il ne vous appartient point d’en décider… Je vous demande seulement de ne pas mettre obstacle à mes entreprises, car je suis déterminé à combattre jusqu’à la mort, s’il le faut, pour recouvrer l’héritage de ma femme. » Le roi déclara qu’il ne donnerait à son fils aucun appui.
  2. A en croire les Anglais, il aurait même promis de rendre, à son avènement, les conquêtes de Philippe-Auguste.