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GUERRE DES ALBIGEOIS

seulement n’en put échapper. Ces meurtres et tueries furent la plus grande pitié qu’on eût depuis vue ni entendue. La ville fut pillée ; on mit le feu partout, tellement que tout fut dévasté et brûlé, comme on le voit encore à présent, et qu’il n’y demeura chose vivante. Ce fut une cruelle vengeance, vu que le comte n’était pas hérétique ni de la secte. A cette destruction furent le duc de Bourgogne, le comte de Saint-Pol, le comte Pierre d’Auxerre, le comte de Genève, appelé Gui-le-Comte, le seigneur d’Anduze, appelé Pierre Vermont ; et aussi y étaient les Provençaux, les Allemands, les Lombards ; il y avait des gens de toutes les nations du monde, lesquels y étaient venus plus de trois cent mille, comme on l’a dit, à cause du pardon[1]. »

Quelques-uns veulent que soixante mille personnes aient péri ; d’autres disent trente-huit mille. L’exécuteur lui-même, l’abbé de Cîteaux, dans sa lettre à Innocent III, avoue humblement qu’il n’en put égorger que vingt mille.

L’effroi fut tel que toutes les places furent abandonnées sans combat. Les habitants s’enfuirent dans les montagnes. Il ne resta que Carcassonne, où le vicomte s’était enfermé. Le roi d’Aragon, son oncle, vint inutilement intercéder pour lui en abandonnant tout le reste. Tout ce qu’il obtint, c’est que le vicomte pourrait sortir lui treizième : « Plutôt me laisser écorcher tout vif, dit le courageux jeune homme ; le

  1. Chron. Langued.