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HISTOIRE DE FRANCE

lui tint compte aussi dans cette guerre horrible d’avoir épargné les bouches inutiles qu’on repoussait d’une place, et d’avoir fait respecter l’honneur des femmes prisonnières. Sa femme, à lui-même, Alix de Montmorency, n’était pas indigne de lui ; lorsque la plupart des croisés eurent abandonné Montfort, elle prit la direction d’une nouvelle armée et l’amena à son époux.

L’armée assemblée devant Béziers était guidée par l’abbé de Cîteaux et par l’évêque même de la ville, qui avait dressé la liste de ceux qu’il désignait à la mort. Les habitants refusèrent de les livrer, et, voyant les croisés tracer leur camp, ils sortirent hardiment pour le surprendre. Ils ne connaissaient pas la supériorité militaire de leurs ennemis. Les piétons suffirent pour les repousser ; avant que les chevaliers eussent pu prendre part à l’action, ils entrèrent dans la ville pêle-mêle avec les assiégés et s’en trouvèrent maîtres. Le seul embarras était de distinguer les hérétiques des orthodoxes : « Tuez-les tous, dit l’abbé de Cîteaux ; le Seigneur connaîtra bien ceux qui sont à lui[1]. »

« Voyant cela, ceux de la ville se retirèrent, ceux qui le purent, tant hommes que femmes, dans la grande église de Saint-Nazaire : les prêtres de cette église firent tinter les cloches jusqu’à ce que tout le monde fût mort. Mais il n’y eut ni son de cloche, ni prêtre vêtu de ses habits, ni clerc qui pût empêcher que tout ne passât par le tranchant de l’épée. Un tant

  1. « Cædite eos ; novit enim Dominus qui sunt ejus. » (Cæsar Heisterbach.)