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GUERRE DES ALBIGEOIS

action perdit les Montfort, on prit en horreur cette race néfaste, dont le nom s’attachait à tant de tragédies et de révolutions.

Simon de Montfort, le véritable chef de la guerre des Albigeois, était déjà un vieux soldat des croisades, endurci dans les guerres à outrance des Templiers et de Assassins. A son retour de la terre sainte, il trouva à Venise l’armée de la quatrième croisade qui partait, mais il refusa d’aller à Constantinople ; il obéit au pape et sauva l’abbé de Vaux-Cernay, lorsqu’au grand péril de sa vie il lut aux croisés la défense du pontife. Cette action signala Montfort et prépara sa grandeur. Au reste, on ne peut nier que ce terrible exécuteur des décrets de l’Église n’ait eu des vertus héroïques. Raymond VI l’avouait, lui dont Montfort avait fait la ruine[1]. Sans parler de son courage, de ses mœurs sévères et de son invariable confiance en Dieu, il montrait aux moindres des siens des égards bien nouveaux dans les croisades. Tous ses nobles ayant avec lui traversé, sur leurs chevaux, une rivière grossie par l’orage, les piétons, les faibles, ne pouvaient passer ; Montfort repassa à l’instant, suivi de quatre ou cinq cavaliers, et resta avec les pauvres gens, en grand péril d’être attaqué par l’ennemi[2]. On

    l’ordre de l’arrêter. Arrivé à la porte, il y trouva ses chevaliers qui l’attendaient. — Qu’avez-vous fait ? lui dit l’un d’eux. — Je me suis vengé. — Comment ? Votre père ne fut-il pas traîné ?… — A ces mots Montfort rentre dans l’église, saisit par les cheveux le cadavre du jeune prince, et le traîne jusque sur la place publique.

  1. Guill. Podii Laur. : « J’ai entendu le comte de Toulouse vanter merveilleusement en Simon, son ennemi, la constance, la prévoyance, la valeur, et toutes les qualités d’un prince. »
  2. Pierre de Vaux-Cernay.