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GUERRE DES ALBIGEOIS

tragédie (1208). Innocent III ne se contenta pas, comme Alexandre III, des excuses et de la soumission du prince, il fit prêcher la croisade dans tout le nord de la France par les moines de Cîteaux. Celle de Constantinople avait habitué les esprits à l’idée d’une guerre sainte contre les chrétiens. Ici la proximité était tentante ; il ne s’agissait point de traverser les mers : on offrait le paradis à celui qui aurait ici-bas pillé les riches campagnes, les cités opulentes du Languedoc. L’humanité aussi était mise en jeu pour rendre les âmes cruelles ; le sang du légat réclamait, disait-on, le sang des hérétiques[1].

La vengeance eût été pourtant difficile, si Raymond VI eût pu user de toutes ses forces, et lutter sans ménagement contre le parti de l’Église. C’était un des plus puissants princes, et probablement le plus riche de la chrétienté. Comte de Toulouse, marquis de haute Provence, maître du Quercy, du Rouergue, du Vivarais, il avait acquis Maguelonne ; le roi d’Angleterre lui avait cédé l’Agenois, et le roi d’Aragon le Gévaudan, pour dot de leurs sœurs. Duc de Narbonne, il était suzerain de Nîmes, Béziers, Uzès, et des comtés de Foix et Comminges dans les Pyrénées. Mais cette grande puissance n’était pas partout exercée au même titre. Le vicomte de Béziers, appuyé de l’alliance du comte de Foix, refusait de dépendre de Toulouse. Toulouse

  1. Innoc. ep. ad Philipp. August. : « Eia igitur, miles Christi ; eia, christianissime princeps !… Clamantem ad te justi sanguinis vocem audias. » — Ad Comit., Baron., etc. : « Eia, Christi milites ! eia, strenui militiæ christianæ tirones ! »