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GUERRE DES ALBIGEOIS

d’effet de leur éloquence à ceux qui sur leurs mœurs jugeaient leur doctrine. Furieux d’impuissance, ils menaçaient, ils damnaient, et le peuple n’en faisait que rire.

Un jour que l’abbé de Cîteaux partait avec ses moines dans un magnifique appareil pour aller en Languedoc travailler à la conversion des hérétiques, deux Castillans, qui revenaient de Rome, l’évêque d’Osma et l’un de ses chanoines, le fameux saint Dominique, n’hésitèrent point à leur dire que ce luxe et cette pompe détruiraient l’effet de leurs discours : « C’est pieds nus, dirent-ils, qu’il faut marcher contre les fils de l’orgueil ; ils veulent des exemples, vous ne les réduirez point par des paroles. » Les Cisterciens descendirent de leurs montures et suivirent les deux Espagnols.

Les Espagnols se mirent à la tête de cette croisade spirituelle. Un Durando d’Huesca, qui avait été Vaudois lui-même, obtint d’Innocent III la permission de former une confrérie des pauvres catholiques, où pussent entrer les pauvres de Lyon, les Vaudois. La croyance différait, mais l’extérieur était le même ; même costume, même vie. On espérait que les catholiques, adoptant l’habit et les mœurs des Vaudois, les Vaudois prendraient en échange les croyances des catholiques ; enfin, que la forme emporterait le fond. Malheureusement le zélé missionnaire imita si bien les Vaudois, qu’il en devint suspect aux évêques, et sa tentative charitable eut peu de succès.

En même temps, l’évêque d’Osma et saint Domi-