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INNOCENT III

rent d’un bonnet de laine ou de poil. Ils choquaient à plaisir tous les usages des Grecs, et se scandalisaient de tout ce qui leur était nouveau. Ayant vu une mosquée ou une synagogue, ils fondirent sur les infidèles ; ceux-ci se défendirent. Le feu fut mis à quelques maisons : l’incendie gagna, il embrasa la partie la plus peuplée de Constantinople, dura huit jours et s’étendit sur une surface d’une lieue.

Cet événement mit le comble à l’exaspération du peuple. Il se souleva contre l’empereur dont la restauration avait entraîné tant de calamités. La pourpre fut offerte pendant trois jours à tous les sénateurs. Il fallait un grand courage pour l’accepter. Les Vénitiens qui, ce semble, eussent pu essayer d’intervenir, restaient hors des murs, et attendaient. Peut-être craignaient-ils de s’engager dans cette ville immense où ils auraient pu être écrasés. Peut-être leur convenait-il de laisser accabler l’empereur qu’ils avaient fait, pour rentrer en ennemis dans Constantinople. Le vieil Isaac fut en effet mis à mort, et remplacé par un prince de la maison royale, Alexis Murzuphle, qui se montra digne des circonstances critiques où il acceptait l’empire. Il commença par repousser les propositions captieuses des Vénitiens, qui offraient encore de se contenter d’une somme d’argent. Ils l’auraient ainsi ruiné et rendu odieux au peuple, comme son prédécesseur. Murzuphle leva de l’argent, mais pour faire la guerre. Il arma des vaisseaux, et par deux fois essaya de brûler la flotte ennemie. Le péril était grand pour les Latins. Cependant, il était impossible que Murzuphle improvisât une