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HISTOIRE DE FRANCE

qui passaient par Constantinople délibéraient s’ils ne s’en rendraient pas maîtres, et ils l’auraient fait sans la loyauté de Godefroi de Bouillon et de Louis-le-Jeune. Lorsque la nationalité grecque eut un réveil si terrible sous le tyran Andronic, les Latins établis à Constantinople furent enveloppés dans un même massacre (avril 1182)[1]. L’intérêt du commerce en ramena un grand nombre sous les successeurs d’Andronic, malgré le péril continuel. C’était au sein même de Constantinople une colonie ennemie, qui appelait les Occidentaux et devait les seconder, si jamais ils tentaient un coup de main sur la capitale de l’empire grec. Entre tous les Latins, les seuls Vénitiens pouvaient et souhaitaient cette grande chose. Concurrents des Génois pour le commerce du Levant, ils craignaient d’être prévenus par eux. Sans parler de ce grand nom de Constantinople et des précieuses richesses enfermées dans ses murs où l’empire romain s’était réfugié, sa position dominante entre l’Europe et l’Asie promettait à qui pourrait la prendre le monopole du commerce et la domination des mers. Le vieux doge Dandolo, que les Grecs avaient autrefois privé de la vue, poursuivait ce projet avec toute l’ardeur du patriotisme et de la vengeance. On assure enfin que le sultan Malek-Adhel, menacé par la croisade, avait fait

  1. Dans une lettre encyclique, où il raconte la prise de Constantinople, Beaudoin accuse les Grecs d’avoir souvent contracté des alliances avec les infidèles ; de renouveler le baptême, de n’honorer le Christ que par des peintures (Christum solis honorare picturis) ; d’appeler les Latins du nom de chiens, de ne pas se croire coupables en versant leur sang. Il rappelle la mort cruelle du légat envoyé à Constantinople en 1183.