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HISTOIRE DE FRANCE

Cette valeur et tous ces efforts produisirent peu de résultat. Toutes les nations de l’Europe étaient, nous l’avons dit, représentées au siège d’Acre, mais aussi toutes les haines nationales. Chacun combattait comme pour son compte, et tâchait de nuire aux autres, bien loin de les seconder ; les Génois, les Pisans, les Vénitiens, rivaux de guerre et de commerce, se regardaient d’un œil hostile. Les Templiers et les Hospitaliers avaient peine à ne pas en venir aux mains. Il y avait dans le camp deux rois de Jérusalem, Gui de Lusignan soutenu par Philippe-Auguste, Conrad de Tyr et Montferrat appuyé par Richard. La jalousie de Philippe augmentait avec la gloire de son rival. Étant tombé malade, il l’accusait de l’avoir empoisonné. Il réclamait moitié de l’île de Chypre et de l’argent de Tancrède. Enfin il quitta la croisade et s’embarqua presque seul, laissant là les Français honteux de son départ[1]. Richard, resté seul, ne réussit pas mieux ; il choquait tout le monde par son insolence et son orgueil. Les Allemands ayant arboré leurs drapeaux sur une partie des murs, il les fit jeter dans le fossé. Sa victoire d’Assur resta inutile ; il manqua le moment de prendre Jérusalem, en refusant de promettre la vie à la garnison. Au moment où il approchait de la

    y fu, que quant les chevaus aus Sarrasins avoient pouour d’aucun bisson, leur mestre leur disoient : Cuides-tu, fesoient-ils à leur chevaus, que ce soit le roy Richart d’Angleterre ? Et quant les enfans aux Sarrasines bréoient, elles leur disoient : Tai-toy, tay-toy, ou je irai querre le roy Richart qui te tuera. »

  1. Devant Ptolémaïs, plusieurs barons français passèrent sous les drapeaux d’Angleterre : la Chronique de Saint-Denis n’appelle plus, depuis cette époque, le roi d’Angleterre du nom de Richard, mais de Trichard.