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HISTOIRE DE FRANCE

sade, une foule d’hommes de toutes sortes, libres ou serfs, mélange de toute race, de toute condition, tourbe aveugle, qui s’en allaient à l’aventure où les menait la fureur divine, l’œstre de la croisade. Ceux-ci étaient des chevaliers, des soldats, la fleur de l’Europe. Toute l’Europe y fut représentée, nation par nation. Une flotte sicilienne était venue d’abord, puis les Belges, Frisons et Danois ; puis, sous le comte de Champagne, une armée de Français, Anglais et Italiens ; puis les Allemands, conduits par le duc de Souabe, après la mort de Frédéric-Barberousse. Alors arrivèrent avec les flottes de Gênes, de Pise, de Marseille, les Français de Philippe-Auguste, et les Anglais, Normands-Bretons, Aquitains de Richard Cœur-de-Lion. Même avant l’arrivée des deux rois, l’armée était si formidable, qu’un chevalier s’écriait : Que Dieu reste neutre, et nous avons la victoire !

D’autre part, Saladin avait écrit au calife de Bagdad et à tous les princes musulmans pour en obtenir des secours. C’était la lutte de l’Europe et de l’Asie. Il s’agissait de bien autre chose que de la ville d’Acre. Des esprits aussi ardents que Richard et Saladin devaient nourrir d’autres pensées. Celui-ci ne se proposait pas moins qu’une anticroisade, une grande expédition, où il eût percé à travers toute l’Europe jusqu’au cœur du pays des Francs[1]. Ce projet téméraire eût

    évêques, quarante-cinq comtes et cinq cents barons. — Suivant Aboulfarage, il périt cent quatre-vingt mille musulmans.

  1. Boha-Eddin, qui rapporte ce propos, le tenait de la bouche même de Saladin.