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HISTOIRE DE FRANCE

d’Iconium, sur lequel il remporta une mémorable victoire[1] ; mais ce fut pour périr sans gloire dans les eaux d’une méchante petite rivière d’Asie. Son fils, Frédéric de Souabe, lui survécut à peine un an ; languissant et malade, il refusa d’écouter les médecins qui lui prescrivaient l’incontinence, et se laissa mourir, emportant la gloire de la virginité[2], comme Godefroi de Bouillon.

Cependant, les rois de France et d’Angleterre suivaient ensemble la route de mer, avec des vues bien différentes. Dès la Sicile, les deux amis étaient brouillés. C’était, nous l’avons vu par l’exemple de Bohémond et de Raymond de Saint-Gilles, c’était la tentation des Normands et des Aquitains, de s’arrêter volontiers sur la route de la croisade. A la première, ils voulaient s’arrêter à Constantinople, puis à Antioche. Le Gascon-Normand Richard eut de même envie de faire halte dans cette belle Sicile. Tancrède, qui s’en était fait roi, n’avait pour lui que la voix du peuple et la haine des Allemands, qui réclamaient, au nom de Constance, fille du dernier roi et femme de l’empereur. Tancrède avait fait mettre en prison la veuve de son prédécesseur, qui était sœur du roi d’Angleterre. Richard n’eût pas mieux demandé que de venger cet outrage. Déjà, sur un prétexte, il avait planté son drapeau sur Messine. Tancrède n’eut d’autre ressource que de gagner à tout prix Philippe-Auguste, qui,

  1. L’historien prétend que les Turcs étaient plus de trois cent mille.
  2. « Cum a physicis esset suggestum posse curari eum si rebus venereis uti vellet, respondit : malle se mori, quam in peregrinatione divina corpus suum per libidinem maculare. »