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INNOCENT III

le mysticisme sur le Rhin. En Flandre, elle fut mixte, et plus encore en Languedoc.

Ce Languedoc était le vrai mélange des peuples, la vraie Babel. Placé au coude de la grande route de France, d’Espagne et d’Italie, il présentait une singulière fusion de sang ibérien, gallique et romain, sarrasin et gothique. Ces éléments divers y formaient de dures oppositions. Là devait avoir lieu le grand combat des croyances et des races. Quelles croyances ? Je dirais volontiers toutes. Ceux mêmes qui les combattirent, n’y surent rien distinguer, et ne trouvèrent d’autre moyen de désigner ces fils de la confusion, que par le nom d’une ville : Albigeois.

L’élément sémitique, juif et arabe était fort en Languedoc. Narbonne avait été longtemps la capitale des Sarrasins en France. Les Juifs étaient innombrables. Maltraités, mais pourtant soufferts, ils florissaient à Carcassonne, à Montpellier, à Nîmes ; leurs rabbins y tenaient des écoles publiques. Ils formaient le lien entre les chrétiens et les mahométans, entre la France et l’Espagne. Les sciences applicables aux besoins matériels, médecine et mathématiques, étaient l’étude commune aux hommes des trois religions[1]. Montpellier était plus lié avec Salerne et Cordoue qu’avec Rome. Un commerce actif associait tous ces peuples, rapprochés plus que séparés par la mer. Depuis les

  1. Que de choses nous leur devons : la distillation, les sirops, les onguents, les premiers instruments de chirurgie, la lithotritie, ces chiffres arabes que notre Chambre des comptes n’adopta qu’au dix-septième siècle, l’arithmétique et l’algèbre, l’indispensable instrument des sciences (1860). Voy. Renaissance, Introduction.