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LOUIS-LE-JEUNE ET HENRI II (PLANTAGENET)

l’empereur et l’antipape. Mais qui avait, pendant ce temps, combattu pour les libertés de l’Église ? Qui avait parlé, souffert pour la cause chrétienne ? Un prêtre, tantôt délaissé par le pape et tantôt trahi. Le pape avait accepté l’hommage d’un roi en échange du sang d’un martyr. Et maintenant, ce martyr, il était devenu le grand saint de l’Occident. Rome avait été obligée de lui rendre hommage et de le proclamer elle-même. Au temps de Grégoire VII, la sainteté s’était trouvée dans le pape, et le sentiment religieux avait été d’accord avec la hiérarchie. Puis l’humanité, émancipée matériellement par la croisade que les papes ne dirigèrent pas, par le premier mouvement communal qu’ils frappèrent dans Arnaldo de Brescia, avait été remuée par la voix d’Abailard dans ce qu’elle a de plus profond. Pour continuer son émancipation religieuse, Thomas de Kenterbury venait de lui apprendre à chercher ailleurs qu’à Rome l’héroïsme sacerdotal et le zèle des libertés de l’Église.

Ce ne fut point au pape que profitèrent réellement la mort de saint Thomas et l’abaissement d’Henri ; mais bien plutôt au roi de France. C’est lui qui avait donné asile au saint persécuté ; il ne l’avait abandonné qu’un instant. Thomas, partant pour le martyre, lui avait fait porter ses adieux par les siens, le déclarant son seul protecteur. Le roi de France avait le premier dénoncé à Rome le meurtre de l’archevêque ; il avait immédiatement commencé la guerre, et quoiqu’il eût en cela suivi son intérêt, les peuples lui en savaient gré. Le pape lui-même, lorsque l’empereur l’avait