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HISTOIRE DE FRANCE

saisi d’un mouvement presque convulsif, il se leva sur son séant, et promenant autour de lui des yeux pénétrants et hagards : « Est-ce bien vrai, dit-il, que Jean, mon cœur, mon fils de prédilection, celui que j’ai chéri plus que tous les autres, et pour l’amour duquel je me suis attiré tous mes malheurs, s’est aussi séparé de moi ? » — On lui répondit qu’il en était ainsi, qu’il n’y avait rien de plus vrai. — « Eh bien, dit-il, en retombant sur son lit et tournant son visage contre le mur, que tout aille dorénavant comme il pourra, je n’ai plus souci ni de moi ni du monde[1]. »

La chute d’Henri II fut un grand coup pour la puissance anglaise. Elle ne se releva qu’imparfaitement sous Richard, et ce fut pour tomber sous Jean. La cour de Rome profita de leurs revers pour faire reconnaître deux fois sa souveraineté sur l’Angleterre. Henri II et Jean s’avouèrent expressément vassaux et tributaires du pape.

La puissance temporelle du saint-siège s’accrut ; mais en peut-on dire autant de son autorité spirituelle ? Ne perdit-il pas quelque chose dans le respect des peuples ? Cette diplomatie rusée, patiente, qui savait si bien amuser, ajourner, saisir l’occasion, et paraître au moment pour escamoter un royaume, elle devait inspirer à coup sûr une haute idée du savoir-faire des papes, mais en même temps quelques doutes sur leur sainteté. Alexandre III avait défendu l’Italie contre l’Allemagne. Il s’était fort habilement défendu lui-même contre

  1. Thierry.