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LOUIS-LE-JEUNE ET HENRI II (PLANTAGENET)

Diable il retournera. » Richard, l’un d’eux, en disait autant que saint Bernard[1]. Cette origine diabolique était pour eux un titre de famille, et ils la justifiaient par leurs œuvres. Lorsqu’un clerc vint, la croix en main, supplier l’autre fils, Geoffroi, de se réconcilier avec son père et de ne pas imiter Absalon : « Quoi ! tu voudrais, répondit le jeune homme, que je me dessaisisse de mon droit de naissance ? — A Dieu ne plaise, mon seigneur ! répliqua le prêtre, je ne veux rien à votre détriment. — Tu ne comprends pas mes paroles, dit alors le comte de Bretagne. Il est dans la destinée de notre famille que nous ne nous aimions pas entre nous. C’est là notre héritage, et aucun de nous n’y renoncera jamais. »

Il y avait une tradition populaire sur une ancienne comtesse d’Anjou, aïeule des Plantagenets. Son mari, disait-on, avait remarqué qu’elle n’allait guère à la messe, et sortait toujours à la secrète. Il s’avisa de la faire tenir à ce moment par quatre écuyers. Mais elle leur laissa son manteau dans les mains, ainsi que deux de ses enfants qu’elle avait à sa droite ; elle enleva les deux autres qu’elle tenait à gauche, sous un pli du manteau, s’envola par une fenêtre et ne reparut jamais[2]. C’est à peu près l’histoire de la Mélusine de Poitou et de Dauphiné. Obligée de redevenir tous les samedis moitié femme et moitié serpent, Mélusine avait bien

  1. J. Bromton : « Richardus… asserens non esse mirandum, si de tali genere procedentes mutuo sese infestent, tanquam de Diabolo revertentes et ad Diabolum transeuntes. »
  2. Id.