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HISTOIRE DE FRANCE

Ce n’était dans cette famille que guerres acharnées et traités perfides. Une fois, le roi Henri venant à une conférence avec ses fils, leurs soldats tirèrent l’épée contre lui. C’était la tradition des deux familles d’Anjou et de Normandie. Les enfants de Guillaume-le-Conquérant et d’Henri Ier avaient plus d’une fois dirigé l’épée contre la poitrine de leur père. Foulques avait mis le pied sur le cou de son fils vaincu. La jalouse Éléonore, passionnée et vindicative comme une femme du Midi, cultiva l’indocilité et l’impatience de ses fils, les dressa au parricide. Ces enfants, en qui se trouvaient le sang de tant de races diverses, normande, aquitaine et saxonne, semblaient avoir en eux, par-dessus l’orgueil et la violence des Foulques d’Anjou et des Guillaume d’Angleterre, toutes les oppositions, toutes les haines et les discordes de ces races d’où ils sortaient. Ils ne surent jamais s’ils étaient du Midi ou du Nord. Ce qu’ils savaient, c’est qu’ils se haïssaient les uns les autres, et leur père encore plus. Ils ne remontaient guère dans leur généalogie sans trouver à quelque degré le rapt, l’inceste ou le parricide. Leur grand-père, comte de Poitou, avait eu Éléonore d’une femme enlevée à son mari, et un saint homme leur avait dit : « De vous il ne naîtra rien de bon. » Éléonore elle-même eut pour amant le père même d’Henri II, et les fils qu’elle avait d’Henri risquaient fort d’être les frères de leur père. On citait sur celui-ci le mot de saint Bernard[1] : « Il vient du Diable, au

  1. J. Bromton.