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HISTOIRE DE FRANCE

par cœur qu’ils débitent. Les essais, plus hardis qu’heureux des Bretons qui ont essayé de raviver par la science la nationalité de leur pays, n’ont été accueillis que par la risée. Moi-même j’ai vu à T*** le savant ami de Le Brigant, le vieux M. D*** (qu’ils ne connaissent que sous le nom de M. Système). Au milieu de cinq ou six mille volumes dépareillés, le pauvre vieillard, seul, couché sur une chaise séculaire, sans soin filial, sans famille, se mourait de la fièvre entre une grammaire irlandaise et une grammaire hébraïque. Il se ranima pour me déclamer quelques vers bretons sur un rythme emphatique et monotone qui, pourtant, n’était pas sans charme. Je ne pus voir, sans compassion profonde, ce représentant de la nationalité celtique, ce défenseur expirant d’une langue et d’une poésie expirantes.

Nous pouvons suivre le monde celtique, le long de la Loire, jusqu’aux limites géologiques de la Bretagne, aux ardoisières d’Angers ; ou bien jusqu’au grand monument druidique de Saumur, le plus important peut-être qui reste aujourd’hui ; ou encore jusqu’à Tours, la métropole ecclésiastique de la Bretagne, au moyen âge.

Nantes est un demi-Bordeaux, moins brillant et plus sage, mêlé d’opulence coloniale et de sobriété bretonne. Civilisé entre deux barbaries, commerçant entre deux guerres civiles, jeté là comme pour rompre la communication. A travers passe la grande Loire, tourbillonnant entre la Bretagne et la Vendée ; le fleuve des noyades. Quel torrent ! écrivait Carrier,