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HISTOIRE DE FRANCE

de Kent, à celle d’Angleterre, à l’Église universelle, dont il défendait seul les droits. Cette incurable dualité du moyen âge, déchiré entre l’État et la religion, a fait le tourment et la tristesse des plus grandes âmes, de Godefroi de Bouillon, de saint Louis, de Dante.

« Malheureux ! disait Thomas en revenant de Clarendon, je vois l’Église anglicane, en punition de mes péchés, devenue servante à jamais ! Cela devait arriver ; je suis sorti de la cour, et non de l’Église ; j’ai été chasseur de bêtes, avant d’être pasteur d’hommes. L’amateur des mimes et des chiens est devenu le conducteur des âmes… Me voilà donc abandonné de Dieu. »

Une autre fois, Henri essaya la séduction, au défaut de la violence. Becket n’avait qu’à dire un mot ; il lui offrait tout, il mettait tout à ses pieds ; c’était la scène de Satan transportant Jésus sur la montagne, lui montrant le monde et disant : « Je te donnerai tout cela, si tu veux tomber à genoux et m’adorer. » Tous les contemporains reconnaissent ainsi, dans la lutte de Thomas contre Henri, une image des tentations du Christ, et dans sa mort un reflet de la Passion. Les hommes du moyen âge aimaient à saisir de telles analogies. Le dernier livre en ce genre, et le plus hardi, est celui des Conformités du Christ et de saint François.

L’extension même du pouvoir royal, qui faisait le fond de la question, devint de bonne heure un objet secondaire pour Henri. L’essentiel fut pour lui la ruine, la mort de Thomas ; il eut soif de son sang. Que toute cette puissance qui s’étendait sur tant de peu-