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HISTOIRE DE FRANCE

qu’on ait dit, la réhabilitation des vaincus. Le même archevêque de Kenterbury reçut, comme représentant de la nation, les serments de Beauclerc, lorsqu’il jura pour la seconde fois sa charte des privilèges féodaux et ecclésiastiques.

Ce fut une grande surprise pour le roi d’Angleterre d’apprendre que Thomas Becket, sa créature, son joyeux compagnon, prenait au sérieux sa nouvelle dignité. Le chancelier, le mondain, le courtisan, se ressouvint qu’il était peuple. Le fils du Saxon redevint Saxon, et fit oublier sa mère sarrasine par sa sainteté. Il s’entoura des Saxons, des pauvres, des mendiants, revêtit leur habit grossier, mangea avec eux et comme eux. Désormais il s’éloigna du roi, et résigna le sceau. Il y eut alors comme deux rois, et le roi des pauvres qui siégeait à Kenterbury, ne fut pas le moins puissant[1].

Henri, profondément blessé, obtint du pape une bulle qui rendait indépendant de l’archevêque l’abbé du monastère de saint Augustin. Il l’était effectivement sous les rois saxons. Thomas par représailles somma plusieurs barons de restituer au siège de Kenterbury une terre que leurs aïeux avaient reçue des rois en fief, déclarant qu’il ne connaissait point de loi pour l’injustice, et que ce qui avait été pris sans bon titre devait être rendu. Il s’agissait dès lors de savoir si l’ouvrage

  1. Les conseillers du roi attribuèrent à Becket le projet de se rendre indépendant. On rapporta qu’il avait dit à ses confidents que la jeunesse de Henri demandait un maître, et qu’il savait combien il était lui-même nécessaire à un roi incapable de tenir sans son assistance les rênes du gouvernement.