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HISTOIRE DE FRANCE

perdit d’un coup les vastes provinces qu’Éléonore lui avait apportées. Voilà le midi de la France encore une fois isolé du nord. Une femme va porter à qui elle voudra la prépondérance de l’Occident.

Il paraît que la dame s’était assurée d’avance d’un autre époux. Le divorce fut prononcé le 18 mars ; dès la Pentecôte, Henri Plantagenet, duc d’Anjou, petit-fils de Guillaume-le-Conquérant, duc de Normandie, bientôt roi d’Angleterre, avait épousé Éléonore, et avec elle la France occidentale, de Nantes aux Pyrénées. Avant même qu’il fût roi d’Angleterre, ses États se trouvaient deux fois plus étendus que ceux du roi de France. En Angleterre, il ne tarda pas à prévaloir sur Étienne de Blois, dont le fils avait épousé une sœur de Louis VII. Ainsi tout tournait contre celui-ci, tout réussissait à son rival.

Il faut savoir un peu ce que c’était que cette royauté d’Angleterre, dont la rivalité avec la France va nous occuper.

La spoliation de tout un peuple, voilà la base hideuse de la puissance anglo-normande. Cette vie de brigandage et de violence que chaque baron avait exercée en petit autour de son manoir, elle se reproduisit en grand de l’autre côté du détroit. Là le serf fut tout un peuple, et le servage approcha en horreur de l’esclavage antique, ou de celui de nos colonies. Nul lien entre les vaincus et les vainqueurs ; autre langue, autre race ; l’habitude de tout pouvoir, une exécrable férocité, nul respect humain, nul frein légal ; partout des seigneurs presque égaux du roi, comme compagnons