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HISTOIRE DE FRANCE

avoue lui-même que l’empereur trahissait les croisés[1]. La chose fut visible lorsqu’ils arrivèrent à Antiochette. Les Grecs qui occupaient cette ville y reçurent les fuyards des Turcs. Cependant Louis s’était conduit loyalement avec Manuel. À l’exemple de Godefroi de Bouillon, il avait refusé d’écouter ceux qui lui conseillaient à son passage de s’emparer de Constantinople.

Enfin ils arrivèrent à Satalie, dans le golfe de Chypre. Il y avait encore quarante journées de marche pour aller par terre à Antioche en faisant le tour du golfe. Mais la patience et le zèle des barons étaient à bout. Il fut impossible au roi de les retenir. Ils déclarèrent qu’ils iraient par mer à Antioche. Les Grecs fournirent des vaisseaux à tous ceux qui pouvaient payer. Le reste fut abandonné sous la garde du comte de Flandre, du sire de Bourbon et d’un corps de cavalerie grecque que le roi loua pour les protéger. Il donna ensuite tout ce qui lui restait à ces pauvres gens, et s’embarqua avec Éléonore. Mais les Grecs qui devaient les défendre les livrèrent eux-mêmes, ou les réduisirent en esclavage ; ceux qui échappèrent le durent au prosélytisme des Turcs, qui leur firent embrasser leur religion.

Telle fut la honteuse issue de cette grande expédition. Ceux qui s’étaient embarqués formaient pourtant la force réelle de l’armée. Ils pouvaient être de grande utilité aux chrétiens d’Antioche ou de la terre sainte. Mais la honte pesait sur eux, et le souvenir

  1. « L’empereur, dit-il, invitait par des lettres pressantes le sultan des Turcs à marcher contre les Allemands. »