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HISTOIRE DE FRANCE

dit précisément le même mot en racontant dans ses Confessions le succès de la Nouvelle Héloïse.

L’Héloïse du douzième siècle était une pauvre orpheline, d’origine incertaine, mais de naissance probablement cléricale et monastique[1]. Née vers 1101, elle était de l’âge de la renommée d’Abailard. Le prieuré d’Argenteuil fut l’asile de son enfance délaissée. De ce cloître, où elle apprit le latin, le grec et même l’hébreu, elle vint à l’âge de dix-sept ans dans la maison de son oncle, près de la cathédrale de Paris. Toute jeune, belle, savante, déjà célèbre, elle reçut les leçons d’Abailard. On sait le reste.

Il renonça au monde, et se fit bénédictin à Saint-Denis (vers 1119). Les désordres des religieux le révoltèrent. Une occasion se présenta pour quitter l’abbaye. Ses anciens disciples vinrent réclamer son enseignement. Il lui fallait le bruit, le mouvement, le monde. Il reparut dans sa chaire et retrouva son auditoire, sa popularité, ses triomphes. Le prieuré de Maisoncelle[2], qui lui avait été offert pour rouvrir son école, « ne pouvait plus contenir les clercs accourus dans ses murs. Ils dévoraient le pays, ils desséchaient les ruisseaux. Les écoles épiscopales étaient désertes. » On attaqua son droit d’enseigner. On attaqua sa méthode. L’archevêque de Reims, ami de saint Bernard, assem-

  1. Elle était fille, à ce qu’on croit, d’Hersendis, première abbesse de Sainte-Marie-aux-Bois, près de Sézanne en Champagne ; ou, selon d’autres suppositions, d’une autre mère inconnue et d’un vieux prêtre, qui la faisait passer pour sa nièce, de Fulbert, chanoine de Notre-Dame. (N. Peyrat, 1860.)
  2. Sur les terres de Thibault, comte de Champagne.