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HISTOIRE DE FRANCE

Chartres, dont l’élève, Bérenger de Tours, effraya l’Église par le premier doute sur l’eucharistie. Peu après, le chanoine Roscelin de Compiègne osa toucher à la Trinité. Il enseignait de plus que les idées générales n’étaient que des mots : « L’homme vertueux est une réalité, la vertu n’est qu’un son. » Cette réforme hardie habituait à ne voir que des personnifications dans les idées qu’on avait réalisées. Ce n’était pas moins que le passage de la poésie à la prose. Cette hérésie logique fit horreur aux contemporains de la première croisade ; le nominalisme, comme on l’appelait, fut étouffé pour quelque temps.

Les champions ne manquèrent pas à l’Église contre les novateurs. Les Lombards Lanfranc et saint Anselme, tous deux archevêques de Kenterbury, combattirent Bérenger et Roscelin. Saint Anselme, esprit original, trouva déjà le fameux argument de Descartes pour l’existence de Dieu : « Si Dieu n’existait pas, je ne pourrais le concevoir[1] ». Ce fut pour lui une grande joie d’avoir fait cette découverte après une longue insomnie. Il inscrivit sur son livre : « L’insensé a dit : Il n’y a pas de Dieu. » Un moine osa trouver la preuve faible, et intituler sa réponse : « Petit livre pour l’insensé[2]. » Ces premiers combats n’étaient que des préludes. Grégoire VII défendit qu’on inquiétât Béren-


    droit. Des écoles juives avaient osé s’ouvrir à Béziers, à Lunel, à Marseille. De savants rabbins enseignaient à Carcassonne ; dans le Nord même, sous le comte de Champagne, à Troyes et Vitry, et dans la ville royale d’Orléans.

  1. Proslogium, c. ii.
  2. Libellus pro insipiente.