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SUITE DE LA CROISADE. — LES COMMUNES

toire de Bouvines, comme son expédition en Auvergne fait déjà penser à la conquête du Midi au treizième siècle.

Telle fut, après la première croisade, la résurrection du roi et du peuple. Peuple et roi se mirent en marche sous la bannière de Saint-Denis. Montjoye Saint-Denys fut le cri de la France. Saint-Denis et l’Église, Paris et la royauté, en face l’un de l’autre. Il y eut un centre, et la vie s’y porta ; un cœur de peuple y battit. Le premier signe, la première pulsation, c’est l’élan des écoles et la voix d’Abailard. La liberté, qui sonnait si bas dans le beffroi des communes de Picardie, éclata dans l’Europe par la voix du logicien breton. Le disciple d’Abailard, Arnaldo de Brescia, fut l’écho qui réveilla l’Italie. Les petites communes de France eurent, sans s’en douter, des sœurs dans les cités lombardes, et dans Rome, cette grande commune du monde antique.

La chaîne des libres penseurs rompue, ce semble, après Jean-le-Scot[1], s’était renouée par notre grand Gerbert, qui fut pape en l’an 1000. Élève à Cordoue et maître à Reims[2], Gerbert eut pour disciple Fulbert de

  1. Il y a moins de lacunes dans la suite des historiens. Les plus distingués qui parurent furent d’abord des Allemands, comme Othon de Freysingen, pour célébrer les grands empereurs de la maison de Saxe, puis les Normands d’Italie et de France, Guillaume Malaterra, Guillaume de Jumièges, et le chapelain du conquérant de l’Angleterre, Guillaume de Poitiers. La France proprement dite avait eu le spirituel Raoul Glaber, et un siècle après, entre une foule d’historiens de la croisade, l’éloquent Guibert de Nogent ; Raymond d’Agiles appartient au Midi.
  2. Depuis longtemps des écoles de théologie s’étaient formées aux grands foyers ecclésiastiques : d’abord à Poitiers, à Reims, puis au Bec, au Mans, à Auxerre, à Laon et à Liège. Orléans et Angers professaient spécialement le