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SUITE DE LA CROISADE. — LES COMMUNES

tions tout autrement importantes des communes de Flandre. Nous ne pourrions ici que montrer en petit ce que nous trouverons plus loin sous des proportions colossales. Qu’est-ce que la commune de Laon à côté de cette terrible et orageuse cité de Bruges, qui faisait sortir trente mille soldats de ses portes, battait le roi de France et emprisonnait l’empereur[1] ? Toutefois, grandes ou petites, elles furent héroïques, nos communes picardes, et combattirent bravement. Elles eurent aussi leur beffroi, leur tour, non pas inclinée et vêtue de marbre, comme les miranda d’Italie[2], mais parée d’une cloche sonore qui n’appelait pas en vain les bourgeois à la bataille contre l’évêque ou le seigneur. Les femmes y allaient comme les hommes. Quatre-vingts femmes voulurent prendre part à l’attaque du château d’Amiens, et s’y firent toutes blesser[3] ; ainsi plus tard Jeanne Hachette au siège de Beauvais. Gaillarde et rieuse population d’impétueux soldats et de joyeux conteurs, pays des mœurs légères, des fabliaux salés, des bonnes chansons et de Béranger. C’était leur joie, au douzième siècle, de voir le comte d’Amiens sur son gros cheval se risquer hors du pont-levis et caracoler lourdement ; alors les cabaretiers et les bouchers se mettaient hardiment sur leurs portes et effarouchaient de leurs risées la bête féodale[4].

On a dit que le roi avait fondé les communes. Le contraire est plutôt vrai[5]. Ce sont les communes qui

  1. Maximilien, en 1488.
  2. Miranda, c’est-à-dire les merveilles.
  3. Guibert de Nogent.
  4. Id.
  5. Louis VI s’était opposé à ce que les villes de la couronne se consti-