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LA CROISADE

Lorraine, interrogés à leur tour, après avoir bien cherché, ne trouvèrent rien à dire contre lui, sinon qu’il restait trop longtemps dans les églises, au delà même des offices, qu’il allait toujours s’enquérant aux prêtres des histoires représentées dans les images et les peintures sacrées, au grand mécontentement de ses amis, qui l’attendaient pour le repas[1]. Godefroi se résigna, mais il ne voulut jamais prendre la couronne royale dans un lieu où le Sauveur en avait porté une d’épines. Il n’accepta d’autre titre que celui d’avoué et baron du Saint-Sépulcre. Le patriarche réclamant Jérusalem et tout le royaume, le conquérant ne fit point d’objection, il céda tout devant le peuple, se réservant la jouissance seulement, c’est-à-dire la défense. Dès la première année, il lui fallut battre une armée innombrable d’Égyptiens, qui vinrent attaquer les croisés à Ascalon. C’était une guerre éternelle, une misère irrémédiable, un long martyre que Godefroi se trouvait avoir conquis. Dès le commencement, le royaume se trouvait infesté par les Arabes jusqu’aux portes de la capitale ; l’on osait à peine cultiver les campagnes. Tancrède fut le seul des chefs qui voulut bien rester avec Godefroi. Celui-ci put à peine garder en tout trois cents chevaliers[2].

C’était cependant une grande chose pour la chrétienté d’occuper ainsi, au milieu des infidèles, le berceau de sa religion. Une petite Europe asiatique y fut faite à l’image de la grande. La féodalité s’y organisa

  1. Guillaume de Tyr.
  2. A Antioche, Tancrède avait juré qu’il n’abandonnerait pas la place tant qu’il lui resterait quarante chevaliers. (Guibert.)