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LA CROISADE

pouvaient des hommes pesamment armés contre ces nuées de vautours ? L’armée des croisés voyageait, si je puis dire, captive dans un cercle de turbans et de cimeterres. Une seule fois les Turcs essayèrent de les arrêter et leur offrirent la bataille. Ils n’y gagnèrent pas ; ils sentirent ce que pesaient les bras de ceux contre lesquels ils combattaient de loin avec tant d’avantage ; toutefois la perte des croisés fut immense.

Ils parvinrent ainsi par la Cilicie jusqu’à Antioche. Le peuple aurait voulu passer outre, vers Jérusalem, mais les chefs insistèrent pour qu’on s’arrêtât. Ils étaient impatients de réaliser enfin leurs rêves ambitieux. Déjà ils s’étaient disputé, l’épée à la main, la ville de Tarse ; Beaudoin et Tancrède soutenaient tous deux y être entrés les premiers. Une autre ville, qui allait exciter une semblable querelle, fut démolie par le peuple, qui se souciait peu des intérêts des chefs et ne voulait pas être retardé[1].

La grande ville d’Antioche avait trois cent soixante églises, quatre cent cinquante tours. Elle avait été la métropole de cent cinquante-trois évêchés[2]. C’était là une belle proie pour le comte de Saint-Gilles et pour Bohémond. Antioche pouvait seule les consoler d’avoir manqué Constantinople. Bohémond fut le plus habile. Il pratiqua les gens de la ville. Les croisés, trompés comme à Nicée, virent flotter sur les murs le drapeau rouge des Normands[3]. Mais il ne put les empêcher d’y

  1. Raymond d’Agiles.
  2. Trois cent soixante églises. (Guibert de Nogent.) — Albéric ne compte que trois cent quarante églises.
  3. Foulcher de Chartres.