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HISTOIRE DE FRANCE

Guillaume-le-Conquérant, le comte de Blois, son gendre, le frère du roi de France et le comte de Flandre ; ils allèrent par l’Italie jusqu’à la Pouille ; puis les uns passèrent à Durazzo, les autres tournèrent la Grèce. En octobre, nos Méridionaux, sous Raymond de Saint-Gilles, s’acheminèrent par la Lombardie, le Frioul et la Dalmatie. Bohémond, avec ses Normands et Italiens, perça sa route par les déserts de la Bulgarie. C’était le plus court et le moins dangereux ; il valait mieux éviter les villes, et ne rencontrer les Grecs qu’en rase campagne. La sauvage apparition des premiers croisés, sous Pierre-l’Ermite, avait épouvanté les Byzantins ; ils se repentaient amèrement d’avoir appelé les Francs, mais il était trop tard ; ils entraient en nombre innombrable par toutes les vallées, par toutes les avenues de l’Empire. Le rendez-vous était à Constantinople. L’empereur eut beau leur dresser des pièges, les barbares s’en jouèrent dans leur force et leur masse : le seul Hugues de Vermandois se laissa prendre. Alexis vit tous ces corps d’armée, qu’il avait cru détruire, arriver un à un devant Constantinople, et saluer leur bon ami l’empereur. Les pauvres Grecs, condamnés à voir défiler devant eux cette effrayante revue du genre humain, ne pouvaient croire que le torrent passât sans les emporter. Tant de langues, tant de costumes bizarres, il y avait bien de quoi s’effrayer. La familiarité même de ces barbares, leurs plaisanteries grossières, déconcertaient les Byzantins. En attendant que toute l’armée fût réunie, ils s’établissaient amicalement dans l’Empire, faisaient comme chez eux, pre-