Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 2.djvu/177

Cette page a été validée par deux contributeurs.
167
LA CROISADE

L’islamisme, la plus récente des religions asiatiques, est aussi le dernier et impuissant effort de l’Orient pour échapper au matérialisme qui pèse sur lui. La Perse n’a pas suffi, avec son opposition héroïque du royaume de la lumière contre celui des ténèbres, d’Iran contre Turan. La Judée n’a pas suffi, tout enfermée qu’elle était dans l’unité de son Dieu abstrait, et toute concentrée et durcie en soi. Ni l’une ni l’autre n’a pu opérer la rédemption de l’Asie. Que sera-ce de Mahomet qui ne fait qu’adopter ce dieu judaïque, le tirer du peuple élu pour l’imposer à tous ? Ismaël en saura-t-il plus que son frère Israël ? Le désert arabique sera-t-il plus fécond que la Perse et la Judée ?

Dieu est Dieu, voilà l’islamisme, c’est la religion de l’unité. Disparaisse l’homme, et que la chair se cache : point d’images, point d’art. Ce Dieu terrible serait jaloux de ses propres symboles. Il veut être seul à seul avec l’homme. Il faut qu’il le remplisse et lui suffise. La famille est à peu près détruite, la parenté, la tribu encore, tous ces vieux liens de l’Asie. La femme est cachée au harem ; quatre épouses, mais des concubines sans nombre. Peu de rapports entre les frères, les parents ; le nom de musulman remplace ces noms. Les familles sans nom commun, sans signes propres[1], sans perpétuité, semblent se renouveler à chaque génération. Chacun se bâtit une maison, et la maison meurt avec l’homme. L’homme ne tient

  1. Les Orientaux n’ont que des armoiries personnelles et non héréditaires.