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HISTOIRE DE FRANCE

rain dans les entreprises où il s’embarquait ; et lui, il s’arrangeait fort de cet échange. Au lieu du service capricieux et incertain des barons, il achetait celui des soldats mercenaires, Gascons, Brabançons, Gallois et autres. Ces gens-là ne tenaient qu’au roi, et faisaient sa force contre l’aristocratie. Elle se trouvait payer la bride et le mors que le roi lui mettait à la bouche.

Ainsi la royauté se constitua, et l’Église à côté : une Église forte et politique, comme celle que Charlemagne avait fondée en Saxe pour discipliner les anciens Saxons. Nulle part le clergé n’eut si forte part ; aujourd’hui encore le revenu de l’Église anglicane surpasse à lui seul ceux de toutes les Églises du monde mis ensemble. Cette Église eut son unité dans l’archevêque de Kenterbury. Ce fut comme une espèce de patriarche ou de pape, qui ne tint pas toujours compte des ordres de celui de Rome, et qui d’autre part s’interposa souvent entre le roi et le peuple, quelquefois même au profit des Saxons, des vaincus[1]. « L’archevêque Lanfranc, conseiller et confesseur de Guillaume, animé et armé de la faveur du pape et de celle du roi, attaqua, écrasa les prélats et les grands qui se montraient rebelles à l’autorité royale[2]. » C’est lui qui gouvernait l’Angleterre, lorsque Guillaume passait sur le continent.

Cette forte organisation de la royauté et de l’Église anglo-normande fut un exemple pour le monde. Les rois envièrent la toute-puissance de ceux de l’Angle-

  1. Voy. plus bas Lanfranc, saint Anselme, Th. Becket, Et. Langton, etc.
  2. Mathieu Paris.