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ONZIÈME SIÈCLE

normande dans le premier siècle lui faisait supporter d’étranges choses de la part du roi. Dépositaire de l’intérêt commun de la conquête, défenseur de cette immense et périlleuse injustice, on lui laissa tout moyen de s’assurer que la terre serait bien défendue. Il fut le tuteur universel de tous les mineurs nobles ; il maria les nobles héritières à qui il voulut. Tutelles et mariages, il fit argent de tout, mangeant le bien des enfants dont il avait la garde-noble, tirant finance de ceux qui voulaient épouser des femmes riches, et des femmes qui refusaient ses protégés[1]. Ces droits féodaux existaient sur le continent, mais sous forme bien différente. Le roi de France pouvait réclamer contre un mariage qui eût nui à ses intérêts, mais non pas imposer un mari à la fille de son vassal ; la garde-noble des mineurs était exercée, mais conformément à la hiérarchie féodale ; celle des arrière-vassaux l’était au profit des vassaux et non du roi.

Indépendamment du danegeld, levé sur tous, sous prétexte de pourvoir à la défense contre les Danois, indépendamment des tailles exigées des vaincus, des non-nobles, le roi d’Angleterre tira de la noblesse même un impôt, sous l’honorable nom d’escuage. C’était une dispense d’aller à la guerre. Les barons, fatigués d’appels continuels, aimaient mieux donner quelque argent que de suivre leur aventureux souve-

  1. L’évêque de Winchester payait une pièce de bon vin pour n’avoir pas fait ressouvenir le roi Jean de donner une ceinture à la comtesse d’Albemarle ; et Robert de Vaux, cinq chevaux de la meilleure espèce pour que le même roi tînt sa paix avec la femme de Henri Pinel ; un autre payait quatre marcs pour avoir la permission de manger (pro licentia comedendi). (Hallam.)