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ONZIÈME SIÈCLE

des compatriotes, et qu’ils se virent assez forts, ils tournèrent contre ceux qui les payaient, s’emparèrent de la Pouille et la partagèrent en douze comtés. Cette république de condottieri avait ses assemblées à Melphi. Les Grecs essayèrent en vain de se défendre. Ils réunirent contre les Normands jusqu’à soixante mille Italiens. Les Normands, qui étaient, dit-on, quelques centaines d’hommes bien armés, dissipèrent cette multitude. Alors les Byzantins appelèrent à leur secours les Allemands leurs ennemis. Les deux empires d’Orient et d’Occident se confédérèrent contre les fils du gentilhomme de Coutances. Le tout-puissant empereur, Henri-le-Noir (Henri III), chargea son pape Léon IX, qui était un Allemand de la famille impériale, d’exterminer ces brigands. Le pape mena contre eux quelques Allemands et une nuée d’Italiens. Au moment du combat les Italiens s’évanouirent, et laissèrent le belliqueux pontife entre les mains des Normands. Ceux-ci n’eurent garde de le maltraiter ; ils s’agenouillèrent dévotement aux pieds de leur prisonnier, et le contraignirent de leur donner comme fief de l’Église tout ce qu’ils avaient pris et pourraient prendre dans la Pouille, la Calabre, et de l’autre côté du détroit. Le pape devint, malgré lui, suzerain du royaume des Deux-Siciles (1052-1053). Cette scène bizarre fut renouvelée un siècle après. Un descendant de ces premiers Normands fit encore un pape prisonnier ; il le força de recevoir son hommage, et se fit de plus déclarer lui et ses successeurs légats du saint-siège en Sicile. Cette dépendance nominale les rendait effectivement indépen-