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HISTOIRE DE FRANCE

l’envoyé grec[1]. En Sicile, Roger, combattant cinquante mille Sarrasins, avec cent trente chevaliers, est renversé sous son cheval, mais se dégage seul, et rapporte encore la selle. Les ennemis des Normands, sans nier leur valeur, ne leur attribuent point ces forces surnaturelles. Les Allemands qui les combattirent en Italie, se moquaient de leur petite taille. Dans leur guerre contre les Grecs et les Vénitiens, ces descendants de Rollon et d’Hastings, se montrent peu marins, et fort effrayés des tempêtes de l’Adriatique.

Mélange d’audace et de ruse, conquérants et chicaneurs comme les anciens Romains, scribes et chevaliers, rasés comme les prêtres et bons amis des prêtres (au moins pour commencer), ils firent leur fortune par l’Église, et malgré l’Église. La lance y fit, mais aussi la lance de Judas, comme parle Dante[2]. Le héros de cette race, c’est Robert-l’Avisé (Guiscard, Wise).

La Normandie était petite, et la police y était trop bonne pour qu’ils pussent butiner grand’chose les uns sur les autres[3]. Il leur fallait donc aller, comme ils disaient, gaaignant[4] par l’Europe. Mais l’Europe féodale, hérissée de châteaux, n’était pas au onzième siècle facile à parcourir. Ce n’était plus le temps où les petits chevaux des Hongrois galopaient jusqu’au

  1. Un autre prend par la queue un lion qui tenait une chèvre, et les jette par-dessus une muraille.
  2. « Ubi vires non successissent, non minus dolo et pecunia corrumpere. » (Guillaume de Malmesbury.)
  3. Guillaume de Jumièges raconte que le bracelet d’une jeune fille resta suspendu pendant trois ans à un arbre au bord d’une rivière, sans que personne y touchât.
  4. Wace, Roman de Rou.