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ONZIÈME SIÈCLE

voulait la paix. Grégoire communia avec son ennemi, demandant la mort s’il était coupable, et appelant le jugement de Dieu. Dieu ne décida pas. Le jugement, comme la réconciliation était impossible. Rien ne réconciliera l’esprit et la matière, la chair et l’esprit, la loi et la nature.

La nature fut vaincue, mais d’une façon dénaturée. Ce fut le fils d’Henri IV qui exécuta l’arrêt de l’Église. Quand le pauvre vieil empereur fut saisi à l’entrevue de Mayence, et que les évêques qui étaient restés purs de simonie lui arrachèrent la couronne et les vêtements royaux[1], il supplia avec larmes ce fils qu’il aimait encore, de s’abstenir de ces violences parricides dans l’intérêt de son salut éternel. Dépouillé, abandonné, en proie au froid et à la faim, il vint à Spire, à l’église même de la Vierge qu’il avait bâtie, demander à être nourri comme clerc ; il alléguait qu’il savait lire et qu’il pourrait chanter au lutrin. Il n’obtint pas cette faveur. La terre même fut refusée à son corps ; il resta cinq ans sans sépulture dans une cave de Liège.

Dans cette lutte terrible que le saint-siège poursuivit dans toute l’Europe, il eut deux auxiliaires, deux instruments temporels : d’abord la fameuse comtesse

  1. Il écrivit au roi de France, en 1106 : « Sitôt que je le vis, touché jusqu’au fond du cœur, de douleur autant que d’affection paternelle, je me jetai à ses pieds, le suppliant, le conjurant au nom de son Dieu, de sa foi, du salut de son âme, lors même que mes péchés auraient mérité que je fusse puni par la main de Dieu, de s’abstenir, lui du moins, de souiller, à mon occasion, son âme, son honneur et son nom ; car jamais aucune sanction, aucune loi divine, n’établit les fils vengeurs des fautes de leurs pères. » (Sigebert de Gembloux.)