Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 2.djvu/146

Cette page a été validée par deux contributeurs.
136
HISTOIRE DE FRANCE

cynisme la turpitude de l’Église[1]. C’était désigner les prêtres mariés à la mort. Le théologien Manegold enseigna que les adversaires de la réforme étaient tuables sans difficulté. Grégoire VII lui-même approuva la mutilation d’un moine révolté[2]. L’Église, armée d’une pureté farouche, ressembla aux vierges sanguinaires de la Gaule druidique et de la Tauride.

Il y eut alors dans le monde une chose étrange. De même que le moyen âge repoussait les Juifs et les souffletait comme meurtriers de Jésus-Christ, la femme fut honnie comme meurtrière du genre humain : la pauvre Ève paya encore pour la pomme. On vit en elle la Pandore qui avait lâché les maux sur la terre. Les docteurs enseignèrent que le monde était assez peuplé, et déclarèrent que le mariage était un péché, tout au moins un péché véniel[3].

Ainsi s’accomplit cette violente réforme de l’Église ; elle se rédima de la chair en la maudissant. C’est alors qu’elle attaqua l’Empire. Alors, dans la fierté sauvage de sa virginité, ayant repris sa vertu et sa force, elle inter-

  1. Damiani : « Lorsqu’à Lodi les bœufs gras de l’Église m’entourèrent, lorsque beaucoup de veaux rebelles grincèrent des dents, comme s’ils eussent voulu me cracher tout leur fiel au visage, ils se fondèrent sur le canon d’un concile tenu à Tribur, qui permettait le mariage aux prêtres ; mais je leur répondis : Peu m’importe votre concile ; je regarde comme nuls et non avenus tous les conciles qui ne s’accordent pas avec les décisions des évêques de Rome. » Ailleurs, s’adressant aux femmes des clercs, il leur dit : « C’est à vous que je m’adresse, séductrices des clercs, amorce de Satan, écume du Paradis, poison des âmes, glaive des cœurs, huppes, chouettes, louves, sangsues insatiables, etc. »
  2. Il déclara qu’il était satisfait de la conduite de l’abbé, et peu de temps après le fit évêque.
  3. Ce fut toutefois, je pense, Pierre Lombard, qui vivait un peu plus tard.