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HISTOIRE DE FRANCE

l’étude longue, il se donna au diable pour abréger. C’est de lui qu’il apprit la merveille des chiffres arabes, et l’algèbre, et l’art de construire une horloge, et l’art de se faire pape. Eût-il pu sans cela ? Il s’est donné ; donc il est à son maître. Le diable prouve, et puis l’emporte. « Tu ne savais pas que j’étais logicien ![1] »

Sauf leur amitié pour cet homme diabolique, il n’y eut dans les premiers Capets aucune méchanceté. Le bon Robert, indulgent et pieux, fut un roi homme, un roi peuple et moine. Les Capets passaient généralement pour une race plébéienne, Saxonne d’origine. Leur aïeul Robert-le-Fort avait défendu le pays contre les Normands ; Eudes combattit sans cesse les empereurs qui soutenaient les derniers Carlovingiens ; mais les rois qui suivent jusqu’à Louis-le-Gros n’ont rien de militaire. Les chroniques ne manquent pas de nous dire, à l’avènement de chacun de ces princes, qu’il était fort chevalereux ; nous voyons cependant qu’ils ne se soutiennent guère que par le secours des Normands et des évêques, surtout celui de Reims. Vraisemblablement les évêques payaient, les Normands combattaient pour eux. Ces princes, amis des prêtres, auxquels ils devaient leur grandeur, cherchaient sans doute par leur conseil à se rattacher au passé, et, par

  1. Dante, Inferno, c. xxviii :
    Tu non pensavi qu’io loico fossi !

    Les deux grands mythes du savant identifié avec le magicien, ce sont, dans les légendes du moyen âge, Gerbert et Albert-le-Grand. Ce qui est remarquable, c’est qu’ici la France ait sur l’Allemagne l’initiative de deux siècles. En récompense, le sorcier allemand laisse une plus forte trace, et ressuscite au quinzième siècle dans Faust, l’inventeur de l’imprimerie.