Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 16.djvu/28

Cette page n’a pas encore été corrigée

Nul homme n’aurait osé, dans une telle extrémité, prendre la responsabilité énorme de s’opposer à la paix. Il y fallait une audace d’ignorance que n’eût eue pas un homme. Ce fut un crime de femme.

Elles osent moins dans la vie commune, vont moins devant les tribunaux. Mais, dans la haute vie d’intrigue, rien ne les fait reculer. Avec un sens, souvent fin et délicat des personnes, elles ont une ignorance terrible des choses, qui fait leur intrépidité là où tous les hommes ont peur.

Ce fut une affaire de théâtre. La Pompadour, qui ne fut jamais qu’une actrice, à quarante ans, ne jouait plus les bergerettes ; elle visait aux grands rôles. Faible et molle (au fond), poitrinaire, usée, vide, un vrai néant, elle avait son âme, sa force en son petit conseil secret, trois Lorraines qu’on peut appeler la vraie cabale d’Autriche. Avec des vues personnelles très diverses, elles agissaient à merveille dans le même sens près de la créature régnante. Comme une mauvaise indienne, sans revers, qui n’a rien dessous, salie, usée et fripée, qu’on raidit, qu’on met à l’empois, on lui donnait de l’attitude, une certaine consistance. Elle en reprenait l’apparence, dans ses souvenirs dramatiques. Elle paradait devant la glace, se haranguait. Fausse en tout, elle se trompait elle-même. Elle se refaisait Cornélie, déclamait en long, en large, sur les échasses de Corneille. Les trois spectatrices admiraient, la trouvaient belle de hauteur, d’indomptable obstination.