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On peut le dire, on lui vendit la reine. Il ne l’eut (en juillet 1774) qu’au prix d’une concession déplorable. Il lutta quelque peu, et là, il est intéressant. Aidé de Maurepas, Vergennes, de ses souvenirs surtout, de sa piété filiale, il s’obstina à repousser Choiseul, l’ennemi de son père, le chef du parti autrichien. Mais sa servitude charnelle lui enleva le peu qu’il avait de force et de sens. Il faiblit trois fois pour l’Autriche, et, pour l’intérêt de Joseph, il compromit longtemps la cause américaine.

Les véritables royalistes ne pardonneront pas aux amis de la reine d’avoir avili Louis XVI en le faisant compère des Calonne et des Loménie, de l’avoir employé à couvrir de sa parole, de sa personne aimée et populaire, ces ministres indignes. C’est le moment où il tombe au plus bas, le seul moment où vraiment il m’étonne. Dans quel néant moral le jeta sa matérialité pesante pour qu’il oubliât le vrai Louis XVI, le roi dévot, et subît l’homme de la reine, l’incrédule et le prêtre athée (1787) !

Mais si le roi, entraîné par la reine, eut ce moment d’inconséquence, reconnaissons qu’en tout le reste il fut fidèle à sa tradition. Il ne fut nullement, comme on a dit, incertain et variable, mais toujours le même et très fixe (au moins dans son for intérieur) contre toute nouveauté, contraire à l’Amérique, contraire à Turgot et à Necker, forcé de marcher quelquefois, mais n’avançant qu’à reculons, et en protestant en dessous.

Les réformes que lui arracha la force de l’opinion,